Enfance et diagnostic
Je viens d’une famille où le syndrome d'Ehlers-Danlos (SED) se transmet de mère en fille. Depuis toute petite, mon quotidien se moule à plusieurs contraintes. Sans être informée sur la nature de notre maladie ni savoir comment elle se manifeste vraiment dans notre corps, je mène une existence sur le qui-vive. Quand tout ça va flancher?
Au début des années 1990, le diagnostic génétique du SED n’existe pas au Québec. On déduit la maladie par la présence de symptômes. L’élasticité de ma peau et les nombreuses ecchymoses qui apparaissent sur mon corps donnent de bons indices à ma mère que je porte sa maladie. Un peu casse-cou, à vouloir grimper et sautiller, je me retrouve souvent à l’urgence pour des points de suture. Dès la maternelle, tellement couverte de bleus, mon enseignante s’inquiète. C’est donc dictée par des parents qui craignent que je fasse du vélo, que je tombe, que je pratique certains sports que je traverse mon enfance. L’école primaire vient avec des surnoms moins valorisants, comme Jell-O parce que ma peau s’étire.
En ce qui concerne le diagnostic, on l’a toujours su et on nous a toujours cru. J’ai la chance de ne pas être passée par un long parcours d’errance diagnostic. Pas peu dire!
C’est à la suite d’un accident de la route que j’atterris dans le bureau d’un spécialiste en génétique qui envoie un prélèvement aux États-Unis à des fins d’analyse. On me prévient que ça sera long, donc j’oublie.
Le système de santé étant ce qu’il est, c’est presque quinze ans plus tard que mon médecin de famille reçoit une feuille où s’inscrit « COL3A1 ».
Ça pourrait ressembler à une plaque d’immatriculation, mais quand on est SED, ça signifie surtout le type vasculaire. Un type rare, environ 1 personne sur 200 000, qui s’attaque aux vaisseaux sanguins, au cœur, aux systèmes digestif et reproducteur. Ce diagnostic représente aussi une espérance de vie moyenne de 51 ans. Avoir ce verdict déclenche un frisson épouvantable qui détruit rapidement les plans à long terme. À ce moment-là, j’ai 30 ans. Il me reste environ 20 ans à vivre selon les pronostics, mais mon historique familial me laisse croire que mon avenir sera écourté.
Depuis, je m’adapte, j’accepte et modifie mes habitudes de vie dans l’espoir d’une longévité. Une vie avec le SED, c’est pour moi la tentative de contrôle sur mon hygiène de vie tous azimuts. Délicat, c’est une manière de documenter une vie modulée par des espoirs de pérennité.