Génétique en bandoulière
Ma mère et moi, tissées par le SED, avons bénéficié d’une relation drôlement fusionnelle. Partie depuis cinq ans, elle m’inspire toujours à me questionner sur ce gène commun. Mon regard sur la maladie évolue, d’autant plus que le diagnostic du type vasculaire ne me soit tombé dessus qu’après son décès.
Jamais on aura su le type de SED que ma mère portait. À l’heure actuelle, j’ignore si on peut transmettre un autre type que celui qu’on a. Chose certaine, vivre avec une maladie génétique rare m’est difficilement supportable. Sa souffrance devait être similaire à la mienne.
Avec une grande franchise, elle m’avoue que, si elle avait su, elle ne m’aurait pas eue. Fait intéressant à savoir, je suis la dernière de la lignée des SED dans la famille. Mon arrière-grand-mère l’a transmis à certains de ses enfants, qui l’ont ensuite transmis à certains de leurs enfants. Dans la génération de ma mère, ceux qui portent le SED ne l’ont pas transmis. Naïve, ma mère a cru que le gène s'affaiblissait de génération en génération.
Elle a toujours eu une force incroyable, son gène également, il faut croire. Regarder des photos de ma mère durant sa trentaine me renvoie automatiquement à ma propre image. Je suis pareille. À la différence que je ne vivrai pas avec le sentiment de transmettre un gène maudit.
J’imagine son regard en me voyant, enfant, tomber et faire des ecchymoses immenses. La peur qu’on ressent lorsque le pire qui pouvait arriver, arrive effectivement. La loi de Murphy. Tu échappes ta toast, elle tombe du côté beurré, c’est inévitable. Je l'entends en écho se dire encore, trente ans plus tard: «Qu’est-ce que j’ai fait?»
Le long de notre vie ensemble, nous parlions souvent de nos symptômes et des limites physiques qu’ils imposent. Je m’intéresse de plus en plus aux symptômes psychologiques. Habitée par la peur de mourir, la peur de souffrir, la démotivation quant à l’avenir et, par-dessus tout, la peur de se tromper.
Toute ma vie, on parlait du SED comme d’une peau molle. On avait expliqué à ma mère, lorsqu’elle était jeune, qu’il en manquait une couche, expliquant le manque de fermeté. Elle ignorait toute la complexité de la maladie. Ma mère était loin de se douter que ses problèmes digestifs pouvaient provenir d’une maladie qui affectait uniquement sa peau.
Le type vasculaire en est un rare, 1 personne sur 200 000 environ, contre 1 personne sur 5000 pour le SED en général. Je me plais à croire qu’on partage cette rareté, ma mère et moi. Non seulement, du visage, nous nous ressemblons, mais nos organismes au grand complet ont leurs similitudes.
Approfondir mes connaissances sur le SED me servira, mais je le fais surtout dans l’espoir de répondre à son existence en points d’interrogation.