Jusqu’à son dernier souffle: 6 ans plus tard

27 février 2019, ma mère nous quitte. 6 ans plus tard, j’ai envie de me replonger dans ces moments où je l’ai accompagnée. Pendant quelques mois, je suis devenue son aidante naturelle. 


Au moment du diagnostic, le 1er décembre 2018, elle m’annonce aussi qu’elle ne fera aucun traitement pour allonger son existence, après une vie remplie de maladie, d’embûches. De mon point de vue, ma mère en a arraché. C’est pourquoi je comprends son envie de finir là, sur une bonne note, sans stress. On lui donne alors moins d’un an. 

Je suis célibataire, à la maîtrise encore à la recherche DU projet, j’ai un travail que je n’aime pas tellement. Je mets tout sur pause pour m’occuper d’elle. Le dernier temps des fêtes est passé ensemble, en se chuchotant chacune de notre côté que ce sera le dernier tel qu’on le connaît. 

7 février, ma mère entre dans une maison de soins palliatifs. J’y déménage avec elle en m’installant sur le sofa-lit de sa chambre. On amorce un parcours de 3 semaines durant lesquelles on s’occupe surtout à profiter du moment présent. 

Dans sa belle grande chambre chaleureuse, lumineuse, sa vie bardée de misère s’estompe finalement dans la douceur. Et moi, je remplis la boîte à souvenirs. Je la regarde dans ses derniers moments et je prends des photos avec mes yeux pour ne rien oublier, je veux tout garder en mémoire. Parce qu’après, ce sera fini. 

On fait la course quand je la pousse dans sa chaise roulante le long du grand couloir, je chante le magicien d’Oz quand je lui donne son bain, on regarde nos séries, collées dans son lit. Et on tisse des liens incroyables avec le personnel. Trois semaines, c’est long pour une maison comme celle-ci. 

Je la sens s’éteindre au fil des jours, lorsqu’elle ne se souvient pas comment faire son Sudoku et qu’elle ne comprend pas les boutons du lit. La dernière nuit, elle fait un délirium, elle est méconnaissable. À son réveil, ses yeux se vident. Ça sent la fin. 

Ce jour-là, on se rassemble autour de son lit pour assister à son départ. Loin d’avoir dit son dernier mot, elle me fait un commentaire désobligeant sur mes cheveux, honnête jusqu’au bout. Merci, maman, j’en prends bonne note. On lui chante Let it be des Beatles parce que ce sont les seules paroles qui me semblent convenir dans une situation comme celle-là. C’est à 20h pile qu’elle pousse son dernier soupir. Sa respiration en feu de camp laisse place à un silence assourdissant. J’ai perdu ma mère. 

6 ans, ça me semble si loin et pourtant, je m’en souviens comme si c’était hier. Le 27 février 2019, mon monde s’est écroulé. Pour la première fois, je devais faire face à une épreuve sans elle. Tout le monde enviait notre relation mère-fille, j’étais sa complice, comme elle était la mienne. On se disait tout, pas toujours sur un ton de bienveillance, mais elle était là, à 100%. On était loin d’être parfaites, mais on s’aimait avec tous nos travers. 

Aujourd’hui, 6 ans plus tard, ça m’attriste de constater que les détails commencent à se dérober à ma mémoire. J’ai cette petite boîte précieuse où j’ai gardé ses cahiers de Sudoku, quelques photos, des petits objets sans grande valeur, mais dont je ne me séparerai pour rien au monde. 

Elle m’accompagne dans chacune de mes lectures, sur un signet fait pour ses funérailles. Les petits coins retroussés témoignent du temps qui s’écoule. Pourtant, il ne se passe pas un soir où je ne lui dise pas bonne nuit avant de refermer mon livre sur son visage. Sa présence me manque autant qu’elle s’impose dans ma vie. Tant que j’existerai, elle sera toujours là.

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