Les bougies qui s’ajoutent
Avoir 36 ans quand on est en bonne santé, c’est banal. Peut-être la peur de vieillir commence à se faire sentir ? Je n’en sais trop rien puisque je n’ai pas ce privilège de vivre en bonne santé.
Je ne le dis pas en espérant recevoir de la pitié, ça n’est pas dans mes valeurs. Il s’agit simplement d’un constat. Je vis dans un corps qui ne pardonne pas, qui peut flancher à tout moment, sans signe avant-coureur. Nombreux sont les risques de décès subit: rupture de l’intestin, de l’aorte, rénale, de l’utérus, anévrisme et j’en passe.
Dès qu’on passe le cap des 35 ans, les risques augmentent en flèche à chaque année. Si bien que 50% des personnes atteintes du syndrome d’Ehlers-Danlos vasculaire ne souffleront pas 50 bougies sur leur gâteau d’anniversaire. J’ai vu ma mère partir à 58 ans après une vie de maladie surréaliste. Ma grand-mère est décédée d’une rupture de l’intestin à 37 ans.
Devant cette réalité qu’est la mienne, qu’est-ce que j’en fais ?
Est-ce que je me laisse ronger par la peur de mourir ? Ou bien, je profite de chaque instant en me disant que, si ça s’arrête, je n’aurai pas de regret.
Mais ça veut dire quoi, vraiment, profiter de chaque instant ?
Tu comprendras que ça dépend de chaque personne et je suis loin d’avoir la science infuse. Pour moi, ça commence par une remise en question sur mes priorités et mes valeurs. Quels sont mes non-négociables pour être heureuse ?
J’en suis arrivée à l’idée que j’ai besoin de bien peu de choses: un entourage présent et aimant, des loisirs créatifs et un rythme lent, stable, apaisant.
Tout se dessine autour de ces 3 axes simples et c’est lorsque j’ai mis en place des actions pour les mettre au premier plan dans ma vie que le bonheur s’est taillé une place dans ma vie.
La peur de mourir est toujours là et je ne crois pas qu’elle me quitte. J’ai vu trop de gens dans ma famille partir à cause du SED, je me doute que la maladie ne fera pas exception pour mes beaux yeux, je dois apprendre à danser avec elle sans sacrifier mon bonheur.
Quand on me demande comment j’entrevois la vieillesse, je me dis qu’à 36 ans, j’ai déjà un beau gros bagage d’expériences, de connaissances, de plaisirs. Et je préfère célébrer le temps passé qu’anticiper le temps qui ne sera peut-être jamais. On tend à oublier que vieillir est un privilège qui n’est pas donné à tout le monde. C’est une chance de se lever chaque matin avec une journée devant soi et de pouvoir se coucher le soir en ayant survécu.
Corneille a vu juste: « Alors on vit chaque jour comme le dernier, pa-la-pa-pa! »
Le jour où je serai sur mon lit de mort, j’espère regarder derrière me disant que j’ai vécu une belle vie, en dépit de tous les défis, obstacles, peurs, soucis, pleurs. J’espère voir les moments de plénitude entourée de mes proches, ressentir le bonheur d’avoir ri jusqu’à en avoir mal aux joues, repenser à tout ce que j’ai écrit, à tous ces moments où j’ai dansé seule dans ma cuisine, tout ce que j’ai appris, revivre les tonnes de discussions animées avec celles et ceux qui comptent vraiment.
Et je te souhaite de regarder ta vie avec le même bonheur. Ce n’est pas tous les jours facile, mais ça en vaut la peine. Promis xx