Je n’aurai pas d’enfant. Pourquoi?
D’entrée de jeu, je n’ai jamais voulu d’enfant. Aucun instinct maternel. Ce n’était donc pas une décision crève-cœur lorsque j’ai reçu mon diagnostic du syndrome d’Ehlers-Danlos de type vasculaire.
En raison de la fragilité des tissus fragilisés à l’utérus, on estime un risque de décès durant le 3e trimestre d’une grossesse ou lors d’un accouchement par voie naturelle entre 15% et 25%. Ce sont des statistiques qui font peur, qui font réfléchir.
Plusieurs personnes renoncent à la possibilité de concevoir un enfant, et avec raison. Fonder une famille vient avant le désir d’en faire partie et non de risquer sa peau, une fois sur quatre.
Je ne saurais dire d’où vient ce refus d’avoir un enfant. Ce que je sais, c’est que ma mère ne m’aurait pas eue si elle avait su. « Si j’avais su, tu ne serais pas là », disait-elle. Elle ne parlait pas des risques encourus par la grossesse, mais de la transmission. Cette affirmation en fait sourciller certains parce que c’est blasphème d’émettre un regret d’avoir enfanté. Pourtant, j’y vois un grand geste d’amour.
Ma mère ne connaissait pas grand-chose de sa maladie, mais elle connaissait le taux de transmission : 50%.
Le SED est une maladie autosomique dominante. Autrement dit, lorsque tu as la maladie, tu la transmets. Si le gène du partenaire est plus « fort », l’enfant ne l’a pas et ne la transmettra pas. La lignée s’éteint.
Étant la dernière personne SED de ma famille et en n’ayant pas d’enfant, je mets fin à une lignée. Dès l’enfance, je sais que je ne veux pas donner un gène malade. Mais je n’ose pas imaginer le déchirement qui accompagne le fardeau de la décision si on veut ou pas un enfant malgré tout.
La reproduction est un geste primitif, c’est naturel de penser avoir un enfant. Si, depuis l’enfance tu rêves déjà de fonder une famille, d’être mère, de vivre le rituel de la procréation. Apprendre les risques, les conséquences possibles doivent être absolument douloureux.
En recevant mon diagnostic, je m’étais renseignée sur le processus. Ignorant si un jour, mon avis changerait. On m’avait mentionné qu’avant même de tomber enceinte, on est une grossesse à risque. Ça peut venir avec des consignes claires (alitement, repos forcé, suivis assidus et serrés) pour prévenir autant que possible les complications. Dès lors, ça me décourage. Avoir un enfant est supposé être « le fun ». Vivre la joie de mettre un enfant au monde, la fébrilité de rencontrer le bébé tant désiré. Pas multiplier le stress, la peur.
J’ai rencontré un partenaire au diapason avec cette décision. La parentalité ne fait pas partie de nos envies ni de nos projets. Et moi, je me réalise dans le travail, mes passe-temps, les voyages, mes relations amicales, familiales. Ma vie, n’en est pas moins valorisante. Et notre vie à deux me nourrit exactement comme elle se doit.