Mon symptôme, c’est la peur
Je parie que toutes les personnes SED vivent avec un constant sentiment de peur. Bien sûr, la médecine moderne a peu de réponses à nous donner. Mais la peur s’étend plus loin que ça. Avec mon syndrome d’Ehlers-Danlos vasculaire, je suis « chanceuse », j’ai un type moins handicapant au quotidien. J’essaie de m’en convaincre, du moins.
J’ai une épée de Damoclès au-dessus de la tête. J’existe, fais comme si de rien n’était, je vais bien. Au-delà de ça, je travaille à temps plein, j’ai une vie sociale active, je réalise des projets, j’ai un amoureux, je pratique des sports plusieurs fois par semaine. Rien ne porte à croire que j’ai une maladie. Et pourtant.
J’ai toujours peur que le pire arrive. Le danger est bel et bien là, j’ignore seulement le moment où il surviendra. J’ai pensé à vous, voici des exemples:
Je me tiraille avec mon copain (je sais, je ne devrais jamais faire ça, mais tsé). Et par mégarde, je reçois un coup de genou dans la face. Ce n’est pas douloureux, le coup n’avait presque pas d’impact. Mais mon réflexe est de craindre le pire. Et si je faisais un hématome? Quelle grosseur de bleu ça va me faire? Finalement, tout va bien et je n’ai rien eu, mais ce n’est pas toujours le cas.
À l’adolescence, je cours dans un boisé près de l’école avec des amis. Je m'enfarge dans une racine d’arbre et tombe. Je n’ai pas vraiment mal et je prends l’autobus pour me rendre à la maison. Une heure plus tard, mon mollet avait la taille d’un ballon de football et commençait à changer de couleur. J’ai vu tous les spécialistes possibles, je n’avais rien. Juste un power hématome. J’ai passé des semaines à la maison avec la jambe surélevée. À ce jour, mon mollet droit est plus gros que le gauche.
Toutes les prises de sang où j’ai fini les deux bras complètement bleus parce qu’aucune veine n’a voulu coopérer. Certaines fois, j’ai dû m’obstiner pour avoir la personne la plus compétente du centre alors qu’on m’envoyait une stagiaire. Désolée, mais ça va me prendre un mois à m'en remettre.
En ce qui concerne les symptômes directement liés au SED vasculaire (digestion, respiration, rythme cardiaque, menstruations), dès qu’une douleur se fait ressentir, j’anticipe le pire. Ça y est, mon côlon vient de lâcher. Ça y est, mon aorte a cédé. Ça y est, mon utérus est fini. Et si tout se terminait ici et maintenant?
Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de souffrir. Parce que la souffrance est pire que la mort. Avec le SED vasculaire, la douleur est exponentielle. Les délais de guérison sont interminables. Tu sais quand ça commence, jamais quand ça finit. Et je vis comme Mario Kart évite les obstacles. En contrôlant autant que possible et en limitant les incidents.
Oui, je travaille à temps plein, j’ai une vie sociale active, je réalise des projets, j’ai un amoureux, je pratique des sports plusieurs fois par semaine. Mais un espace de ma tête reste vigilant, dans l’espoir que tout ça continue longtemps.