Sans prise en charge médicale
Vivre avec une maladie rare vient déjà avec son lot d’embûches. La peur, la douleur, les symptômes, la solitude. Parlons-en, de la solitude.
Il est assez rare qu’on rencontre des gens avec la même maladie que soi. Tout comme la maladie, notre réalité est assez hors normes. Nos proches ne comprennent pas tout ce qui se passe, malgré toute la bienveillance qu’ils ont pour nous.
Vivre avec un corps qui va à contre-courant et qui réagit de manière inhabituelle provoque encore plus de solitude. Il m’arrive souvent que les médecins ne prennent pas ma réalité au sérieux et ne participent pas aux efforts de prévention.
C’est le seul outil que j’ai, la prévention. Le jour où mon corps flanchera, je n’aurai pas de marge de manœuvre pour guérir ou me rétablir. Je n’ai pourtant pas de prise en charge adéquate, à l’heure actuelle.
Il est important de parler de la prise en charge médicale défaillante. Notre système de santé québécois est payé à même nos taxes et nous peinons à voir des professionnels, même lorsque notre condition l’exige. Environ 25% de la population québécoise n’a pas accès à un médecin de famille.
Mon dernier rendez-vous avec un interniste s’est déroulé comme suit:
Il ne se souvenait pas de m’avoir déjà rencontrée, alors qu’il me suit depuis 3 ans.
Il m’a lu une notice Wikipédia.
Il m’a fourni une liste de recommandations de base, mais qui ne s’appliquent pas au type vasculaire du syndrome d’Ehlers-Danlos.
Il me faisait une requête pour une coloscopie, alors qu’il s’agit d’un examen dangereux dans ma condition.
Il m’a dit de ne pas m’inquiéter parce que ma mère était morte d’autre chose (alors que ma grand-mère est décédée à 37 ans d’une rupture de l’intestin).
En plus de cette mésaventure avec un médecin désengagé, mon diagnostic a dormi durant 13 ans dans le dossier. Ma médecin de famille a reçu un fax lorsque le médecin chargé de mon test génétique a quitté la clinique. Quand j’ai demandé quels spécialistes je pouvais voir pour prévenir les complications, elle m’a dit de chercher et de lui donner les noms pour qu’elle envoie les requêtes. Comment faire pour savoir qui connaît le syndrome d’Ehlers-Danlos vasculaire dans le bassin médical québécois?
Nous avons UNE seule interniste spécialisée en syndrome d’Ehlers-Danlos au Québec. J’ai demandé une requête pour la rencontrer il y a 3 ans. Sa liste d’attente est assez longue, mais quand j’ai appelé pour un suivi, on m’a dit que ma requête ne leur a jamais été acheminée.
Je le répète, nos taxes servent en partie à payer du personnel, médical et soignant, compétent et à l’écoute de nos besoins de santé. Il existe des ressources et de la recherche à l’étranger, mais l’information ne se rend pas ici. Les médecins se balancent les cas entre eux sans s’impliquer. Rares sont les professionnels qui s’engagent à nous aider dans les démarches. Ils sont encarcanés dans des procédures, de la paperasse, un nombre pharaonique de patients. Ils se concentrent sur les cas faciles à gérer et les autres retournent à la maison en attendant. En attendant quoi au juste?
J’ai une vision somme toute pessimiste du système de santé. J’ai envie de relire cet article dans quelques années et de constater une amélioration dans notre système, de savoir que nos taxes sont utilisées à meilleur escient. TBC