Pourquoi je n’aurai plus de chirurgie?
J’ai le syndrome d’Ehlers-Danlos vasculaire, donc j’ai peur. Me savoir dans un corps fragilisé me met aux aguets. Je crains la médecine, parce qu’elle m’est risquée. Elle peut me soigner autant que me tuer. Je ne lui fais confiance qu’en partie. Pour les soins de routine, ça va. Pour en apprendre davantage sur ma maladie, OK. Pour me sauver ? Je passe mon tour.
La médecine moderne fait des miracles. J’en suis bien consciente. Elle m’a sauvée la vie plus d’une fois et elle le fera sans doute à nouveau dans le futur. Mais je sais d’expérience qu’aucun médecin ne veut nous opérer. Au jeu pour enfant Opération, le SED fait retentir le «Biiiiip» et allumer la lumière rouge sur un temps !
Quand j’ai voulu faire corriger ma vue au laser, on m’a retournée à la maison après 2 minutes de consultation. La cicatrisation est trop complexe et le risque de cécité, trop élevé.
Quand j’ai entamé des procédures pour la ligature des trompes, on me l’a refusée. Parce qu’on n’opère pas une personne SED pour le plaisir. On le fait pour la survie. Il n’était aucunement question de mon âge (31 à ce moment), mais du risque. On m’a dit que c’était une sage décision de ne pas vouloir d’enfant compte tenu de la maladie. Mais il y a une foule de contraceptifs. La ligature, c’est non.
Faire face à ces refus a fait germer une réflexion qui m’a amenée à refuser qu’on pratique sur moi une chirurgie. Le point culminant de cette décision est la stomie de ma mère lorsqu’elle avait 50 ans.
(Je parle de ma mère dans tous les articles, mais c’est mon seul exemple avec la maladie. C’est par elle que j’ai appris, je l’ai vue traverser tant d’épreuves qui me font peur et qui ont certainement un impact sur ma perception du monde à l’heure actuelle).
En urgence, elle se fait opérer pour une rupture de l’intestin. On lui installe une stomie et elle reste clouée à son lit d’hôpital durant 2 mois. Je l’accompagne dans sa convalescence, avec son pansement vacuum. Dans son adaptation à vivre avec son sac à l’abdomen, dans sa 2e chirurgie pour retirer la stomie. Et durant tout ce temps, je me dis : « Je ne veux jamais vivre ça. »
J’aimerais plus que tout vivre longtemps, avoir une belle vie et profiter d’une santé inébranlable. Ce n’est pas mon cas. L’Épée de Damoclès qui me pend au-dessus de la tête m’en empêche.
Mon seul moyen d’y arriver est de vivre en bonne santé, le temps que ça durera. Je ne veux pas de convalescence. Je suis passée par là à 18 ans quand, lors d’un accident de la route, on intestin s’est rompu. J’ai assez donné.
Je veux vivre, mais pas à n’importe quel prix. Et c’est pour cette raison précise que mon mode de vie est adapté pour prévenir les risques. Je vis de manière irréprochable, en capturant tout ce qu’il y a de bonheur. Parce qu’il n’y a pas que mon corps qui soit fragile. Ma vie aussi.